1 - Premier constat : un marché dynamique et résilient toujours en faveur des candidats en 2024
Le marché de l’emploi a connu une dynamique de croissance hors norme depuis 2018 jusqu’au premier semestre 2023, nonobstant la parenthèse Covid.
Le taux de chômage est historiquement bas depuis 15 ans. Il a été constaté 10 trimestres consécutifs de créations d’emplois jusqu’au premier semestre 2023. Le tassement observé au second semestre 2023 n’inquiète pas les observateurs : la tendance est résiliente, ce malgré l’environnement macroéconomique et géopolitique actuel. Plus de 350 000 postes restent vacants à ce jour.
Une grande majorité de métiers sont en tension. A ceux qui le sont historiquement (IT, Cyber, BTP par exemple) s’ajoute une pénurie sur les nouveaux métiers (IA, Data Sciences, métiers « verts / RSE » etc.). Le rapport de force s’est donc inversé en faveur des candidats vis-à-vis des recruteurs.
« La dynamique de recrutement reste très forte dans un monde qui ralentit ».
Denis Macuel, PDG du groupe Adecco
2 - Deuxième constat : un marché étonnamment mobile et volatile
Le phénomène est absolument généralisé : changer d’emploi devient la normalité. La mobilité et la volatilité prévalent depuis 2020.
« Un jour de mars 2020, nous avons basculé dans un autre monde ».
Nicolas Bauquet, Directeur Général de l’Institut Paris Region, précédemment Senior Fellow à l’Institut Montaigne.
88% des personnes occupant un CDI affirment être ouverts à de nouvelles opportunités professionnelles. Parmi eux, plus de 50% des salariés sont en recherche active, les 38% restant sont ouverts à de nouvelles propositions.
La « fidélité » à l’employeur semblerait une valeur révolue. Ceux qui envisagent d’évoluer au sein d’une même entreprise diminuent : près de 2 salariés sur 3 ont changé de poste depuis 2020. 42 % des salariés sondés par OpinionWay estiment en France avoir perdu tout sens dans leur activité professionnelle depuis le début de la crise sanitaire (phénomène du Brown out).
Le job-hopping et le job-shopping s’accentuent pour reconsidérer salaire, vie au travail et projet professionnel. Près de 2 salariés sur 3 ont changé de poste depuis 2020.
Encore plus étonnant, cette envie de changement ne varie pas en fonction de l’ancienneté dans le poste, l’âge ou le sexe : elle est constatée de manière uniforme quels que soient ces paramètres. Elle concerne autant les Boomers (plus de 40 ans) que les générations X, millennials/Y, et Z.
Une grande démission en France ?
La mobilité et la volatilité du marché de l’emploi est-elle d’une ampleur comparable au phénomène de la Grande Démission (« Big Quit ») qui a été spectaculaire aux États-Unis et déclenché par la parenthèse Covid de 2020 : aux États-Unis depuis 2021, 47 millions de personnes ont quitté leur poste, soit 35 % de la force de travail. Le phénomène a été inédit et d’une ampleur jamais vue.
En France, on ne saurait parler de grande démission mais les statistiques sont édifiantes : fin 2021 et début 2022, le nombre de démissions a atteint un niveau historiquement haut, avec près de 520 000 démissions par trimestre. Elle touche au premier chef la génération des millennials/Y (23-43 ans) de niveau cadre, qui sont confiants dans leur employabilité dans le contexte du marché de l’emploi dynamique actuel.
Il est frappant de noter que presque 1 salarié sur 2 occupe son poste actuel depuis moins de deux ans.
Il est frappant de noter que presque 1 salarié sur 2 occupe son poste actuel depuis moins de deux ans. A défaut, les phénomènes de « Quiet Quitting » ou de « Act your Wage » (travailler juste à la hauteur de son salaire sans s’investir davantage) prennent le relais pour les hésitants à la démission.
Ces phénomènes résultent d’un changement radical des attentes des candidats en termes d’équilibre vie professionnelle et vie privée et de quête d’un sens au travail, dont la période Covid de 2020 a été le catalyseur.
Désengagement ou nouvelle(s) aspiration(s) ?
« Let’s start talking about great aspiration rather than great resignation ».
Whitney Johnson, CEO de WLJ Advisors, l’une des dix personnalités les plus en pointe en matière de management.
Le fait est que l’ambition des candidats a changé de nature.
3 - Et de ce fait, tout change pour les recruteurs en 2024 : les candidats aspirent à une autre proposition de valeur.
L’équilibre vie professionnelle et vie personnelle s’est radicalement inversé entre 2008 et 2022. Le « travailler plus pour gagner plus » de 2008 est d’une autre époque.
En 2023, la « valeur travail » est reléguée en dernière et quatrième position, derrière la famille, les amis, les loisirs. En 1990, elle arrivait en seconde position, derrière la famille, mais avant les amis et les loisirs (cf. Michael Page Talents Trends « La révolution invisible »).
87% des candidats choisiront une entreprise qui privilégie équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
Les entreprises recruteuses doivent vendre à l’embauche :
- Un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, devenu non négociable.
- Une quête de sens dans un projet professionnel, devenue une aspiration fondamentale.
Attention : cette grande « aspiration » de qualité de vie et de quête de sens, n’évince pas le critère premier du salaire. Le niveau de salaire reste le premier critère pour accepter un poste ou est la raison première de postuler à des offres.
4 - Une proposition de valeur (Employee Value Proposition) qui doit être axée sur 1.Un salaire juste, 2. La flexibilité permettant un équilibre de vie et 3. Un projet professionnel porteur de sens et évolutif.
La rémunération reste centrale et le critère décisif.
Pour plus des deux tiers des candidats, le salaire proposé est l’information la plus importance d’une offre. L’insuffisance de la rémunération « directe » ne se compense pas par d’autres avantages sociaux.
Entre deux jobs comparables, un candidat choisira le job le mieux payé.
Pour rester en poste (fidéliser), il est constaté pareillement une attente très forte en termes de revalorisation salariale en 2024. Les revalorisations salariales ont été assez faibles ces dernières années. L’inflation est la première justification à cette demande de revalorisation.
Si la rémunération reste le 1er critère, celui de la flexibilité et celui de la quête de sens complètent le prisme d’analyse des candidats pour se décider à accepter le poste.
La flexibilité du temps, soit la souplesse des horaires, soit le travail hybride avec le distanciel est une majeure de la politique RH d’une entreprise pour attirer puis/et fidéliser.
Le projet professionnel doit être porteur de sens, d’émulation, de stimulations.
Les candidats recherchent la voie de l’épanouissement au travail. Confucius n’a jamais été autant d’actualité qu’en 2024 : « Fais un travail qui te plaît, et tu n’auras jamais le sentiment de travailler ».
Le projet professionnel doit être évolutif aux yeux des candidats. 1 salarié sur 2 souhaite évoluer alors que 1 sur 10 estime avoir une chance d’évoluer dans son poste actuel (d’où le phénomène de job-hopping).
En conséquence, un projet professionnel doit comporter au moins ces trois dimensions :
- Offrir une expérience-candidat avec un processus de recrutement fluide, un preboarding et un onboarding engageants (c’est toujours la première impression que l’on retient !).
- Offrir un parcours de carrière : offrir une offre d’upskilling et plus encore de reskilling, ce qui permet autant d’attirer et fidéliser les meilleurs profils que d’améliorer la performance des équipes.
- Créer le sentiment fort de contribuer à la stratégie de l’entreprise au travers des missions confiées et des objectifs à atteindre.
A cet égard, nous vous invitons à lire notre prochaine note d’analyse sur l’expérience-candidat : de nouvelles attentes en 2024.
Let's start talking about great aspiration rather than great resignation.
Whitney Johnson - CEO de WLJ Advisors, l’une des dix personnalités les plus en pointe en matière de management.